Logée en plein cœur
Camille Soualem
November 28, 2024 – January 18, 2025
For press
info@exoexo.paris
Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Camille Soualem,
La chambre des résistances, 2024
Acrylic on reclaimed doll house, fabric, miniature books, found objects
Dimensions variables
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Camille Soualem,
La chambre des résistances, 2024
Acrylic on reclaimed doll house, fabric, miniature books, found objects
Dimensions variables
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Camille Soualem,
La chambre des résistances, 2024
Acrylic on reclaimed doll house, fabric, miniature books, found objects
Dimensions variables
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Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Camille Soualem,
Soumise à la Terre, 2024
Oil on canvas
14 x 18 cm
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Camille Soualem,
Monument intérieur, 2024
Oil on canvas
18 x 14 cm
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Camille Soualem,
Etre vivant, 2024
Oil on canvas
18 x 14 cm
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Camille Soualem,
L’amour est un rayon de soleil chaud, 2024
Oil on canvas
14 x 18 cm
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Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Camille Soualem,
Harissa et moi, 2024
Oil on canvas
60 x 72,5 cm
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Camille Soualem,
D’après ‘Bonne nuit Xali’ de Yannis Briki, 2024
Oil on canvas
45 x 45 cm
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Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Camille Soualem,
Origines, 2024
Oil on canvas
80 x 80 cm
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Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Camille Soualem,
Née dans le mensonge, 2024
Oil on canvas
130 x 160 cm
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Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Camille Soualem,
Materdolorosa, la douleur des mères, 2024
Oil on canvas
46 x 38 cm
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Logée en plein coeur, Camille Soualem, 2024
Exo Exo, Paris
Camille Soualem,
Mémoire collective, 2024
Oil on wood
22 x 25 x 5 cm
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Camille Soualem,
Mémoire collective, 2024
Oil on wood
22 x 25 x 5 cm
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Camille Soualem,
Mémoire collective, 2024
Oil on wood
22 x 25 x 5 cm
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*English below*
FR.
« Si nous n’avons pas l’intention de sacrifier une partie de nous-mêmes ou de notre communauté, nous devrons traverser toutes les souffrances de la lutte uniquement accrochées au fil fragile de la confiance, la confiance qui nous permettra de nous en sortir entières et indemnes.
Pour s’y mettre, la seule façon que je connaisse consiste à commencer par dire : « Je ne lâcherai rien. Je ne laisserai tomber personne ».
A mes amantes, à mes sœurs, aux femmes qui à présent ont peur de me parler ou d’être vues en ma compagnie, je n’ai qu’une promesse à faire. Je vous promets qu’un jour, je vous offrirai un espace de rencontres au centre duquel trônera un immense livre ouvert, un livre dans lequel les femmes pourront écrire leurs terrifiants secrets, et apposer ou non leur signature, selon leur choix. La seule exigence sera qu’elles ne devront pas se sentir obligées de mentir [1]. »
Dorothy Allison
Dans les corps étendus ou accroupis que peint Camille Soualem quelque chose s’est tendu. Sa peinture, qui, tranquillement, revisite et transforme le silencement des odalisques scellé par la peinture orientaliste occidentale, est désormais minée par l’intranquilité. Le corps demeure, genré au féminin. Sa chair, revêtue de la splendeur opulente de plusieurs peaux de peinture porte les marques, plis, tatouages, ou même des griffures qui lui donnent vulnérabilité et force. Mais ce corps est comprimé par le format réduit dans lequel il a lieu (la taille du châssis, les volets du placard.). Il l’est aussi dans son espace peint, recouvert d’herbes folles (Mauvaises herbes), protégé tout autant que limité par les volutes d’un balcon (Origines) ou la grille de tête de lit (Née dans le mensonge). Ces motifs exercent une poussée vers un premier plan qui ne peut accepter l’entièreté de ce corps. Celui-ci est mené vers la découpe, la fragmentation, la séparation d’un membre ou d’un autre. Dans cette tension picturale se trouvent les signes d’une colère qui ne passe pas, d’autant plus forte qu’elle n’est pas singulière mais collectivement éprouvée.
Cette colère ne désarme pas depuis le mardi 27 juin 2023, lorsque Nahel Merzouk un jeune homme racisé de 17 ans a été abattu à bout portant par un policier. Le traumatisme, comme Freud a voulu le montrer [2], est un processus psychique à plusieurs temps. Il ne se manifeste qu’après-coup, un choc venant en réarticuler un autre, dont la mémoire a été enfouie. Camille Soualem évoque ainsi le souvenir d’avoir assisté à proximité de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, dont elle fut l’étudiante, à la commémoration du massacre du 17 octobre 1961. « Ici, on noie des Algériens » : le graffiti apposé sur les quais de la Seine quelques semaines après l’événement avait été photographié. Mais la photo n’est sortie dans la presse que 24 ans plus tard, dans le journal L’Humanité. L’après-coup vient ainsi dire non seulement l’acte de violence mais aussi mais son refoulement ou sa dissimulation, l’une ajoutée à l’autre découvrant l’exercice d’une politique systémique. Car, avant que les algériens soient tués, ils étaient d’abord « tuables», comme l’écrit la sociologue et écrivaine Kaoutar Harchi à propos de Nahel [3] : « Il y était exposé. Il courait ce risque d’en être victime. La domination raciale tient tout entière en ce risque qui existe. »
Ce qu’a peint Camille Soualem résonne désormais avec cette rencontre de l’après-coup et le dévoilement du risque mu par une stratégie politique de domination. Comme son nom l’indique, l’après-coup c’est ce qui vient après. Après le traumatisme, après sa répétition, après la réalisation que ce qui crevait les yeux comme le nez au milieu de la figure, quelque chose qui avait toujours été là, demandait à être exploré, pris en compte ; quelque chose qui la touchait elle, personnellement, parce qu’elle touchait d’autres qu’elle, avant elle, plusieurs générations qui s’étaient tues. « Mon corps collectif est en colère » m’a dit Camille : cette colère est devenue sa force de peindre. Peindre tout. A l’huile. Les tableaux, les corps, les mots écrits, la lecture du poème et sa puissance inflammatoire une nuit de 31 octobre (D’après « Bonne nuit Xali » de Yannis Briki), les meubles, les volets extérieurs et leur face intérieure, la chambre rose, la commode, l’armoire, le lit défait, les photographies, les livres sur le lit et au sol dans la chambre, forgeant les éléments, ou plutôt les « événements » d’un espace et d’un temps de résistance.
Pour la première fois, Camille Soualem en figure une version miniaturisée : la chambre. Un peuple de photographies et de livres à l’échelle de cet intérieur —et de l’intériorité qu’il suggère— habite les lieux, les hante, leur confère aussi une fonction : c’est dans la chambre, dit Camille, que se fabrique «une deuxième éducation, qui ne doit rien à l’Etat ni à ses institutions ». Dans la chambre, le corps peint s’est effacé pour faire de la place au corps —le nôtre— mobilisé dans la lecture, dans le déchiffrement d’un titre et la connaissance d’une couverture. Cette mobilisation s’incarne aussi, en rebond, dans la peinture avec Origines, fragment d’un corps nu disposé « comme une Origine du Monde inversée », me dit Camille. Car elle retourne effectivement le point de vue pour placer celle qui peint et celleux qui regardent dans le prolongement de ces cuisses, ce pubis, ce ventre, comme si c’étaient les leurs. Un livre, aussi, trône sur sa/notre cuisse, exhortant à Rester Barbare, comme le requiert Louisa Yousfi l’autrice. Dans ce contact corporel avec l’écriture, peut-être y-a-t-il un guide de lecture, afin de chercher une vérité au plus proche de l’intime refusant l’intégration à une civilisation coloniale-patricarcale et hétéronormée qui a imposé sa vision de l’origine, sinon du monde.
« Dans la chambre il y a entre autres : La prochaine fois le feu, James Baldwin ; Un fanzine de mon amie Kmar Daougi ; Stone Butch Blues, Leslie Feinberg ; Ce que le sida m’a fait, Elisabeth Lebovici ; Sister Outsider, Audre Lorde ; Des paillettes sur le compost, Myriam Bahaffou ; La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr ; La race tue deux fois, Rachida Brahim ; La puissance des mères, Fatima Ouassak ; les albums de Dahmane El Harrachi, Isha et Medine. » En reproduisant fidèlement les couvertures des livres, Camille Soualem ne livre pas, ou pas seulement, sa bibliographie, elle nous incite à faire corps dans la lecture. Faire corps commun avec ce corpus. Ne pas rester seule, « ne rien lâcher, ne laisser tomber personne » comme l’écrivait Dorothy Allison. C’est peut-être —sans doute— la meilleure description d’une exposition.
– Elisabeth Lebovici
[1] Dorothy Allison, “Silence public, Terreur Privée”, Peau : à propos de sexe, de classe et de littérature, 1994
[2] Selon Freud, le substantif « Nachträglichkeit », mal traduit par « après-coup » désigne ce processus psychique inconscient en plusieurs temps, dont un temps de latence.
[3] Texte paru dans Télérama, sollicité par le magazine.
EN.
“If we are not to sacrifice some parts of ourselves or of our community, we will have to go through the grief, the fear of exposure, and struggle, with only a thin layer of trust that we will emerge whole and unbroken.
I know no other way to do this than by saying, I will give up nothing, I will give up no one.
For my lovers, my sisters, the women who, in the early eighties were afraid to speak to or to be seen with me, and all those women who called me late at night to whisper their terrors, I make a promise: I promise not to lie and not to require anyone else to lie. I still offer that open book where I hope we can all write out our fearful secrets and sign them or not as we choose, to honor our secrets and break the public silence that has maintained so much private terror.[1]”
Dorothy Allison
Something has become tense in Camille Soualem’s paintings of lying and crouching bodies. Her painting, which quietly revisits and transforms the silence of odalisques sealed by the occidental orientalist painting, is now undermined by intranquility. The body remains, gendered as feminine. Its flesh, clothed in the opulent splendor of several painted skins, bears the scars, folds, tattoos and even scratches that give it vulnerability and strength. But this body is being compressed by the format in which it is taking place (the size of the frame, the doors of the closet). So it is inside the painted space, covered by weed and uncut grass (Mauvaises herbes), protected as well as limited by the volutes of a balcony (Origines) or the wire bed frame (Née dans la mensonge). These motifs are pushing towards a foreground that is unable to accept this body as a whole. Therefore it is cutted down, fragmented, separated from one limb to another. In this pictorial tension lays the signs of something that won’t go away, getting even stronger since it is not singular but collectively felt.
This anger hasn’t let up since Tuesday June 27, 2023, when Nahel Merzouk, a 17-year-old young Frenchman of Moroccan and Algerian descent, was shot at point-blank by a police officer. Trauma, as Freud once tried to expose it [2], is a psychic process made out of many temporalities. It only manifests itself in “afterwardness”, retroactively, with one shock re-articulating another buried in the memory. It’s in such a way that Camille Soualem recollects the time where she witnessed the memorial anniversary of the massacre of the 17th october of 1961 near the Beaux-Arts de Paris, where she once was a student. “Here, we drown Algerians” (Ici on noie des algériens): the graffiti written along the banksides of the Seine a few weeks after the event was photographed. But the picture only came out in the press 24 years later, in the newspaper L’Humanité. The aftermath reveals not only the act of violence, but also its repression or concealment, one added to the other, revealing the exercise of a systemic policy. Because before Algerians were killed, they were first “killable”, as sociologist and writer Kaoutar Harchi writes about Nahel [3]: “He was exposed to it. He was taking this risk of being a victim of it. Racial domination is all about this risk that simply exists”.
Camille Soualem’s painting now resonates with the meeting of the aftermath and the unveiling of risk driven by a political strategy of domination. As its name suggests, the aftermath is what comes after. After the trauma, after its repetition, after the realization that was right there in front of us, something that had always been there, was only asking to be seen and explored. Something that affected Camille Soualem, because it affected others before her, several generations who had been silent. “My collective body is angry”, she told me: this anger became her strength to paint. Paint it all. With oils. The paintings, the bodies, the written words, the reading of the poem and its inflammatory power on the night of October 31st (After Yannis Briki’s “Bonne nuit Xali”), the furniture, the outside doors and their insides, the pinky bedroom, the dresser, the wardrobe, the unmade bed, the pictures, the books on the bed and on the floor, forging the elements, or rather the “events” of a space and time of resistance.
For the first time, Camille Soualem presents it in a miniaturized version: the bedroom. A population of pictures and books scaled down for this interior - and the insideness it suggests - inhabits the place, haunt it, and also give it a function: « it is in the bedroom, says Camille, where a second education is created, one that owes nothing to the State or its institutions”. In the bedroom, the painted body has disappeared to make room for the body - our own - being involved in reading, decoding a title and getting to know a cover. This involvement is also embodied, like a kickback, in the painting Origines, a fragment of a naked body turned around “like Courbet’s Origin of the World reversed”, says Camille. Indeed, she flips the point of view in order to put the one that is being painted and the ones that are looking in the extension of her legs, her pubis, her belly, as if its was their own. A book thrones upon her/our tight, exhorting us to stay barbaric as writen by its author Louisa Yousfi (original french title : Rester Barbare ; original english title : In Defense of Barbarism: Non-whites Against the Empire). This physical contact with writing might be a reading guide, a way to look out for a truth as close as possible to the intimate, refusing the integration to a patriarchal, colonial and heteronormative civilization which has imposed upon us its vision of the origin, if not of the whole world.
« In the bedroom there are, among others : La prochaine fois le feu, James Baldwin ; Un fanzine de mon amie Kmar Daougi ; Stone Butch Blues, Leslie Feinberg ; Ce que le sida m’a fait, Elisabeth Lebovici ; Sister Outsider, Audre Lorde ; Des paillettes sur le compost, Myriam Bahaffou ; La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr ; La race tue deux fois, Rachida Brahim ; La puissance des mères, Fatima Ouassak ; albums by Dahmane El Harrachi, Isha et Medine ». By faithfully reproducing these book’s covers, Camille Soualem not only delivers her own bibliography, she also encourages us to become one with the reading. To become one with this corpus. Not to stay alone : « to give up nothing, to give up no one » just like Dorothy Allison was writing. It is, maybe – without a doubt – the best way to describe an exhibition.
– Elisabeth Lebovici
[1] Dorothy Allison, “Public Silence, Private Terror”, Skin : Talking About Sex, Class and Literature, 1994
[2] According to Freud, the noun “Nachträglichkeit”, mistranslated as “aftermath”, refers to an unconscious psychic process with several stages, including a latency period.
[3] Text published in Télérama, at the magazine’s request.